Le trou dans la lumière

Dans le petit village de Saint-Éléonore-du-Vide vivait une femme que l’on appelait Sakura-Claire. C’était une femme sage, une gardienne des mystères invisibles. Tandis que tout le monde s’occupait à remplir ses journées d’images qui clignotent, de bruits qui bourdonnent, Sakura-Claire, elle, se promenait en scrutant les espaces entre les choses – là où l’air respire et le monde chuchote.

Un jour, un voyageur, tout saturé de couleurs et d’écrans, arriva au village en quête de réponses sur "le vrai de la vie". 

Sakura-Claire, avec son sourire bienveillant, l’accueillit sans un mot. Elle lui tendit un beau cadre doré, mais vide, avec un grand trou au milieu. Le voyageur le regarda, un peu déconcerté.

— Euh, que voulez-vous que je fasse avec… ça ? murmura-t-il, un brin perplexe. 

— Regarde-le vraiment, répondit-elle, ses yeux doux emplis de malice. C’est dans ce vide que tu vas découvrir ce qui te manque.

Alors il se mit à observer, d’abord avec hésitation, puis avec attention. Plus il scrutait ce trou, plus il percevait tout ce qu’il avait oublié : l’odeur des pins, la fraîcheur de la rosée, le murmure du vent dans les champs. Lentement, ce vide semblait lui révéler ce que son cœur cherchait sans savoir. Les petites choses réelles, celles qui vous remplissent sans effort.

À force de fixer l’absence, son esprit se déchargeait de ce qui l’encombrait, et il se sentait soudain plus léger ... comme une plume prête à effleurer le monde. La légèreté du vide lui donnait l’impression de toucher enfin ce qui compte vraiment.

— As-tu trouvé ce que tu cherchais ? demanda Sakura-Claire en souriant.

Le voyageur, apaisé, hocha la tête.

Quand l’âme est trop pleine, elle oublie le ciel.

Par Anne Nguyen