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La deuxième montagne après la première

  • hoangyenanne
  • Oct 2, 2023
  • 2 min read

Updated: Mar 25




<a href="http://getdrawings.com/mount-fuji-drawing">Mount Fuji Drawing</a>

Mon père nous a élevés dans une vie faite d'étapes et de célébrations. C'était sa manière de nous enseigner qu'entre chaque étape, il faut célébrer car la vie est courte, mais qu'il y aura toujours une deuxième montagne après la première.


Il lui a fallu 5 ans pour économiser tout ce dont il avait besoin pour acheter une machine à textile. C'est une grosse machine à tisser pour produire des pièces de tissu que l'on voit dans les magasins. On lui a dit qu'à Montréal, les Asiatiques étaient doués en textile. D'accord, c'est devenu le plan.


Pendant 5 ans, il a mis de côté chaque petit extra, regardé les tirelires se remplir, en a fait un projet de famille. Et un jour, nous avons célébré. L'arrivée de cette gigantesque machine bruyante et vibrante qui allait changer notre vie.


Comme tout avait été bien pensé, mon père a loué le seul endroit que le budget familial pouvait se permettre. Au fond d'un garage souterrain d'une tour d'entreprises, un propriétaire a bien voulu nous louer cet espace. Il savait ce que c'était que de partir de zéro.


J'entends encore le son cacophonique de cette machine et ses échos qui parvenaient à peine à cacher les battements de cœur de mon père : on y est arrivés. Même les entrepreneurs du bâtiment passaient le voir pour le féliciter en allant vers leur voiture. Mon père est comme ça ; il attire la fierté. Il a aussi fallu tout faire pour que mon père rentre cette nuit-là tellement il voulait déjà se mettre à travailler.


Cette fameuse nuit. La dernière de cette vie à trois emplois. Puis une pluie qui rappelait les printemps exotiques est tombée. Elle a inondé le garage, enseveli chaque moment de célébration.


En silence, mon père a démonté la machine pièce par pièce. Littéralement des milliers de petites aiguilles. Patiemment, il a séché chacune d'entre elles, poliment salué chaque locataire qui venait l'encourager, gentiment nous a rassurés que tout irait bien. On n'en a jamais douté.


Le jour où il eut fini, nous avons célébré à nouveau comme si c'était la première fois. Cependant, au sommet de cette deuxième montagne, le soleil était différent. Il y a eu des entrepreneurs qui lui ont donné ses premiers contrats après l'avoir vu travailler assis à terre des semaines pour remonter cette machine vers le futur. À la fin de cette deuxième montagne, le propriétaire lui a trouvé un local vide plus élevé dans le bâtiment, à l'abri des inondations.


Cette deuxième montagne a été la première de plusieurs deuxièmes mais jamais la dernière.


Aujourd’hui, quand on me tend la main, je sens qu’on reconnaît que je suis a une deuxième. Et maintenant, souvent en route vers la deuxième, je tends déjà la main… qui sait, j’en attraperai peut-être une qui est à sa première.

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